Par Ramzy Baroud, le 3 juillet 2025
Le génocide israélien à Gaza, ainsi que l'escalade des guerres régionales qu'il a déclenchée, ont mis en évidence deux vérités accablantes : premièrement, Israël sape délibérément et agressivement la sécurité et la stabilité de tout le Moyen-Orient et, deuxièmement, il est totalement incapable de survivre seul.
Ces deux affirmations, bien qu'apparemment distinctes, sont inextricablement liées. Car si ceux qui soutiennent sans relâche Israël - militairement, politiquement et économiquement - le privaient de leur soutien, le Moyen-Orient ne serait plus la poudrière qu'il en fait depuis des décennies, une situation qui s'aggrave dangereusement depuis le 7 octobre 2023.
Sans vouloir simplifier à l'excès, l'impitoyable réalité est qu'il suffirait qu'Israël se retire de Gaza pour donner à cette bande de terre dévastée et frappée par le génocide la moindre chance de salut. Plus de 56 000 Palestiniens, dont plus de 17 000 enfants et 28 000 femmes, ont été brutalement massacrés depuis le début de cette guerre, un bilan effroyable qui devrait augmenter de manière dramatique lorsque des enquêtes approfondies sur les personnes disparues seront enfin menées.
Ce n'est qu'alors que le processus de retour à un semblant de normalité se produire, si les droits inaliénables du peuple palestinien étaient farouchement défendus par d'un système international fondé, du moins en théorie, sur le respect indéfectible des droits humains fondamentaux et du droit international.
La maxime odieuse dite "la loi du plus fort" devra être totalement bannie de toute équation politique future. Les pays du Moyen-Orient, tant arabes que musulmans, doivent enfin se montrer à la hauteur de la situation, en prenant des mesures décisives pour aider leurs frères et empêcher Israël de diviser leurs rangs.
Pour Israël, cette exigence constitue tout simplement un non-sens, voué à l'échec, compréhensible de son point de vue colonial. Pourquoi ?
"L'invasion est une matrice, pas un événement ponctuel", a affirmé le célèbre universitaire Patrick Wolfe. Cette déclaration pertinente signifie sans équivoque que les guerres d'Israël, à commencer par le nettoyage ethnique de la Palestine, la Nakba, en 1948, et tous les conflits et occupations militaires qui ont suivi, sont loin d'être des coïncidences historiques fortuites, mais plutôt les caractéristiques d'une structure de pouvoir durable conçue pour éliminer la population indigène.
Voilà qui réfute tout simplement la thèse selon laquelle les agissements d'Israël après le 7 octobre sont uniquement motivés par la vengeance et dépourvus de stratégie. Cette distinction ne s'est pas imposée dès le départ, compte tenu de la nature macabre et indescriptible des agissements israéliens à Gaza et du plaisir pervers que semble tirer Israël de l'extermination barbare quotidien d'innocents.
Pourtant, la rhétorique israélienne est d'une clarté effrayante quant à ses véritables motivations. Comme l' a déclaré Benjamin Netanyahu le 7 octobre 2023, "nous ferons de Gaza une île déserte".
La structure interne de ce dynamisme a toujours été inhérent à la structure coloniale d'Israël, et le restera, à moins d'être résolument maîtrisée. Mais qui a le pouvoir et la volonté de maîtriser Israël ?
Israël fonctionne grâce à un réseau de facilitateurs, de bienfaiteurs qui considèrent depuis longtemps l'existence d'Israël comme une forteresse coloniale indispensable au service des intérêts du colonialisme occidental.
"Le lien entre le peuple israélien et le peuple américain est profond. (...) Nous sommes unis par nos valeurs communes",
a déclaré Joe Biden avec une conviction frappante en juillet 2022.
Sans même prendre la peine de remettre en question ces "valeurs communes" qui permettent à Israël de perpétrer un génocide tandis que les États-Unis le soutiennent activement, Biden a été indéniablement honnête dans sa description sans détour de la relation entre les deux pays, qui va bien au-delà d'une politique banale. D'autres dirigeants occidentaux reprennent aveuglément un tel schéma.
Le génocide en cours a toutefois incité certains gouvernements occidentaux - et une multitude de gouvernements non occidentaux - à dénoncer courageusement la guerre d'Israël, Netanyahu et son idéologie extrémiste d'une manière sans précédent depuis la création même d'Israël. Pour certains de ces pays, notamment l'Espagne, la Norvège, l'Irlande et la Slovénie, entre autres, l'"alliance" proverbiale est manifestement "rompue", et le soutien d'autres nations n'est certainement pas "sans ambiguïté".
On peut développer plusieurs théories expliquant pourquoi certains gouvernements occidentaux osent défier Israël, tandis que d'autres s'y refusent obstinément. Mais au-delà de ce débat majeur, il s'avère absolument crucial de briser le lien entre Israël et l'Occident, non seulement pour permettre qu'une paix juste puisse enfin prévaloir, mais aussi pour la survie même du peuple palestinien.
Les presque 21 mois d'agonie infligés par le génocide perpétré par Israël nous lancent un avertissement brutal : Israël n'est, après tout, qu'un État vassal, totalement incapable de mener ses propres guerres, de se défendre ou même de soutenir son économie sans le soutien direct et massif des États-Unis et d'autres pays.
On a pu régulièrement, surtout avant le génocide, entendre les responsables israéliens proclamer qu'Israël est un pays indépendant, et non "une étoile de plus sur le drapeau américain". Ces voix ont depuis été largement évincées par un flot constant de supplications et de plaidoiries pour que les États-Unis viennent à la rescousse d'Israël.
Alors que les Palestiniens continuent de résister, grâce à leur courage légendaire, à l'occupation militaire et à l'apartheid israéliens, ceux qui s'engagent véritablement pour le droit international, la justice et la paix doivent prendre des mesures décisives et se dresser sans réserve contre les gouvernements qui persistent à aider Israël à perpétuer le génocide à Gaza et à déstabiliser le Moyen-Orient.
Des gouvernements comme celui de l'Espagne - et d'autres - amorcent ce que beaucoup n'auraient pas imaginé il y a quelques années encore : le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez plaide fermement pour la suspension du partenariat UE-Israël en raison de "la situation catastrophique générée par le génocide".
Si davantage de gouvernements adoptaient une posture similaire et sans compromis, Israël se verrait paralysé, du moins concernant la livraison incessante d'armes meurtrières utilisées pour mener à bien son génocide barbare.
Il est de notre responsabilité collective de suivre ces voix courageuses et d'exiger une responsabilité sans compromis, non seulement de la part d'Israël, mais aussi de ceux qui soutiennent activement sa structure coloniale.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Ramzy Baroud est journaliste et rédacteur en chef du Palestine Chronicle. Il est l'auteur de six livres. Son dernier ouvrage, coédité avec Ilan Pappé, s'intitule « Our Vision for Liberation: Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak out » (Notre vision de la libération : des dirigeants et intellectuels palestiniens engagés s'expriment). Le Dr Baroud est chercheur senior non résident au Center for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web est www.ramzybaroud.net